Tentative de contrôle des prix des denrées alimentaires dans un contexte d’inflation importée : et si le gouvernement s’était trompé de cible.
Nous avons suivi comme tout le monde l’opiniâtreté des autorités de la transition à mettre tout en œuvre pour permettre aux paisibles citoyens d’effectuer le carême en général et le jeûne en particulier dans les meilleures conditions. Comme la plupart des guinéens, nous saluons cette volonté manifeste du CNRD à rompre avec le libertinage que nous avons connu de par le passé. Ceci corrobore nos idées selon lesquelles, ce pays a besoin d’une refonte totale à tous les niveaux afin de le hisser plus haut. Toutefois, en Guinée, prendre une décision est une chose aisée. Mais, veiller à son application en est autre chose.
Pour faciliter la compréhension de nos lecteurs, partons des illustrations concrètes. Lorsqu’il y a pénurie d’un produit (ex : taxi, maison comme c’est le cas en Guinée), toute chose étant égale par ailleurs, son prix a tendance à monter. C’est ce qui occasionne dans la plupart des cas les remous sociaux de la part des consommateurs mécontents pour légitimer la pression auprès des politiques dans le but d’imposer des prix plafonds. Dans le même sillage, lorsqu’il y a abondance d’un produit (ex : la récolte du riz a été bonne ou les éleveurs du bétail en ont trop élevé), les prix ont tendance à baisser. En pareil cas, les producteurs et les employés voient leurs revenus baisser constamment. Du coup, ils font pression auprès des hommes politiques pour que ceux-ci imposent des prix planchers.
Quoi qu’un peu différent, c’est vraisemblablement la première équation que le CNRD a voulu résoudre, cela à deux (2) reprises. Cependant, d’un point de vue économique, les tentatives d’entraves au fonctionnement du système de prix ou de la loi de l’offre et de la demande impliquent toujours des résultats contraires aux effets recherchés. C’est pourquoi, nous nous posons la question à savoir : qu’est-ce qui a prévalu dans la prise d’une telle décision ?
A notre avis, c’est parce que les autorités de la transition négligeraient totalement les causes de la flambée des prix quoi l’Institut National des Statistiques (INS) fait un excellent boulot à ce niveau à travers son nouvel Indice Nationale Harmonisé des Prix à la Consommation (INHPC). Et pourtant, même les profanes en économie savent que cette inflation que nous connaissons aujourd’hui trouve son explication dans la rareté des marchandises importées de l’étranger mais aussi et surtout dans la hausse du prix de l’énergie. Pour faire simple, il s’agit d’une inflation importée comme à l’accoutumée.
Etant donné que nous n’avons aucune maitrise des prix des produits que nous importons, il va de soi que le plafonnement des prix des denrées alimentaires dans une économie de marché sans pour autant préciser la durée (très courte période en attendant un retour à l’équilibre) aura deux conséquences principales : la première est d’en accroître la demande comme chez le cas actuellement. Qui dit hausse de la demande, dit hausse des prix. La seconde est la rareté des denrées concernées, puisqu’on en achètera davantage, on les verra disparaître des rayons des boutiques comme c’est le cas également. Et pourtant, l’Etat en poursuivant sa politique de contrôle des prix avait a l’esprit de protéger et/ou de soulager les consommateurs. Or, les commerçants à leur tour ont un autre objectif qui est celui de rechercher le bénéfice le plus élevé. C’est pourquoi d’ailleurs, ils se sont toujours arrangés à libérer leur stock de manière à créer la crise dans la cité car en période de contrôle des prix, il n’est pas rentable pour eux d’accroitre l’offre. L’histoire nous enseigne bon nombre d’exemples spectaculaires de ces effets contraires.
Cependant, le Gouvernement peut tenter de parer à ces difficultés par l’octroi de subventions aux producteurs de certaines de ces denrées alimentaires au niveau local au lieu de continuer à contrôler des prix de ces produits à l’interne qui sont largement d’ailleurs taxés à leur entrée au port autonome de Conakry. Enfin, cette politique de manipulation des prix qui s’avère contreproductive participe au découragement et à la désorganisation de la main-d’œuvre à produire les biens visés par une telle décision.
Safayiou Diallo
Economiste.