Passage de pays à faible revenu à revenu intermédiaire. Que faut-il retenir de ce récent classement de la Guinée ?
C’est avec un réel plaisir que nous avons appris que notre pays la Guinée passe désormais du statut de pays à faible revenu à pays à revenu intermédiaire tranche inférieure. Ce classement rendu public le samedi 1er juillet 2023 indique un progrès significatif du Revenu National Brut par habitant (RNB/habitant) de la Guinée. Pour faciliter la compréhension de nos lecteurs, il est de notre devoir de revenir sur un certain nombre d’éléments notamment le RNB/habitant qui est un indicateur de taille mais aussi et surtout la qualification de Pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure) ainsi que les limites de la méthode du RNB avant de terminer par donner notre lecture de la croissance économique.
Chers lecteurs, comprenez par là que pour comparer le bien être des pays, la Banque mondiale se sert du RNB par habitant en dollars courant selon la méthode dite de « l’Atlas ». Par ailleurs, comparer le RNB des différents pays est un exercice fastidieux car la plupart des pays l’exprime dans sa propre monnaie. Pour harmoniser le processus, les économistes de la Banque mondiale ont décidés d’exprimer le RNB dans une même unité de compte via le taux de change.
Or, les taux de change nominaux ne sont pas souvent stables. Du coup, le résultat escompté pourrait ne pas refléter la réalité, donc le véritable pouvoir d’achat des différentes monnaies concernées. Pour preuve, rien ne dit que si 1 Euro vaut 9 000 francs guinéens, que le pouvoir d’achat du français avec les 1 euro égale les 9 000 francs du guinéen. Pour faire face à cette situation, ils ont finalement opté pour un taux de change qui tient compte de la Parité du Pouvoir d’Achat (PPA) des différentes monnaies. En d’autres termes, ce taux de change en PPA permet vraiment à deux pays d’acheter la même quantité de biens une fois la monnaie du premier pays changée en monnaie du second pays.
Concernant la qualification d’un pays de pays à revenu intermédiaire. Le terme de pays à revenu intermédiaire renvoie encore une fois à la typologie de classement des pays par la Banque mondiale en fonction de leur RNB par habitant. Pour faire simple, les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure sont ceux dont le RNB par habitant se situe entre 1 036 et 4 085 dollars. Par ailleurs, si le revenu par tête est souvent utilisé comme indicateur de richesse, surtout entre différents pays, il renferme tout de même plusieurs faiblesses notamment la non prise en compte du travail fait à l'intérieur d'un ménage (travail à domicile par exemple) mais aussi des activités informelles. De même, elle est une moyenne qui ne permet pas de mesurer la différence de pauvreté d’une partie de la population. De l’autre côté, cet indicateur ne permet pas de prendre en compte les inégalités de revenus. Comme le rappelait Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Economie 2001, c’est pratiquement 1 % des riches qui continue de de s’enrichir donc, de s’accaparer de la majeure partie de la richesse créée. Les 99 autres pourcents ne comprennent même pas de ce dont il s’agit. Ce n’est pas pour rien si cette performance n’est pas comprise par la totalité des guinéens car ne se sentant pas au niveau microéconomique.
De plus, le RNB est une donnée plus difficile à déterminer que le Produit Intérieur Brut (PIB) car il tient compte des transferts qui sont constitués de revenus du travail (salaires, primes, honoraires) et des revenus de la propriété et de l’entreprise (dividendes, intérêt, loyers) reçus du reste du monde à travers les citoyens d’un pays vivant à l’étranger ou versé au reste du monde par le biais des étrangers qui rapatrient une partie de leur revenu dans leur pays d’origine.
Pour terminer, nous aimerions simplement souligner qu’étant donné que le RNB tient compte du PIB et que la croissance n’est rien d’autre que la résultante de l’évolution de la production en terme réel entre deux (2) périodes, encore une fois, nous pensons que nous ne devons pas nous réjouir trop des taux de croissance économique (tirées exclusivement du secteur minier) qui sont avancés de part et d’autre en longueur de temps pour trois (3) raisons :
Premièrement, c’est une croissance appauvrissante donc sans prospérité car fondée la vente des matières premières sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle sur l’évolution du prix. Ceci pourrait expliquer en partie la chute drastique de la croissance économique de notre pays suite à la variation erratique ces mêmes matières premières.
Deuxièmement, c’est une croissance à forte intensité capitalistique. En d’autres termes, l’industrie emploie plus du capital que de la main d’œuvre. Du coup, elle ne nous permet point de tendre vers le plein emploi des facteurs de production notamment le travail.
Troisièmement, cette même croissance n’est en aucun cas redistributive compte tenu de la faiblesse du taux de pression fiscale qui tournerait autour de 13,9% en 2022 (cf. loi de finances de novembre 2021) contre près de 40% pour la Tunisie et plus de 60% au cours de la même année pour certains pays à revenus intermédiaire et élevé. Ce qui signifie que la richesse crée par l’Etat guinéen ne retourne pas à son niveau pour lui permettre de faire face au financement des projets de développement économique et social.
Pour pallier à cette situation, nous préconisons une fois encore une fois la transformation structurelle de notre économie en plus de sa diversification. Ces mesures permettront à moyen et à long termes d’augmenter la résilience économique et sociale de la population guinéenne, tant du côté de la demande que de l’offre et offrir ainsi au peuple de Guinée les meilleures opportunités en matière de santé, d’éducation, de formation mais aussi et surtout créer des opportunités d’emplois notamment pour les jeunes en quête d’un travail rémunéré…
Wait and see.